Chronique film : Louise-Michel
de Benoît Delépine et Gustave Kervern.
Louise-Michel fait partie de ces films qu'il est de mauvais ton de ne pas aimer. C'est ballot. Si je n'avais pas beaucoup de tendresse pour Yolande Moreau, Louise-Michel subirait un sort à peu près identique à Juno ou Home, en moins pire quand même, mais pas loin. Il fait partie de ces films "comédies décalées et grinçantes sur fond de crise social". Malheureusement ce genre commence à être usé jusqu'à la corde et Louise-Michel ne renouvelle pas grand chose. Pas très drôle, pas très méchant, on a vraiment du mal à adhérer à cette histoire qui commence pourtant pas mal, avec l'entubage de dizaines d'ouvrières du textile par leur salaud de patron.
Le film aurait été bien meilleur en exploitant sa veine de poésie absurde (Moreau et Lanners tout crados qui dansent n'importe commun dans une somptueuse villa), ou dans un registre de "violence sociale froide" (long plan fixe, caméra en plongée, lointaine, sur les ouvrières qui se dispersent lentement dans une usine vide), que dans ses nombreux et gros gags qui tâchent (affligeante scène d'introduction notamment). Il ne suffit pas de rire des mourants pour être trash, la scène de multi-cassage de gueule d'une instit unijambiste dans Rumba est largement plus subversive et grinçante, ainsi que quasi n'importe lequel faux-reportage de Groland.
On ne peut pourtant que saluer l'intention de sécheresse de la mise en scène, toute en plans fixes, mais ça reste bien maladroit. Les compères se regardent un peu filmer, tout en se tapant sur le ventre en se félicitant d'être si drôles. Ca ne fonctionne pas, le scénario est par ailleurs trop brouillon, perd son chemin (la vengeance de petites gens contre le patronnat), reste dans la surenchère, et la plupart des idées apparaissent superflues. Bref, Louise-Michel n'est pas une grande réussite malgré la tendresse qu'on peut avoir pour les auteurs et les acteurs, et la jolie interprétation monolithique de Yolande Moreau ne suffit pas à maintenir en éveil.
On peut également s'étonner, dans ce film à tendance anar, de ce retour à la normale (et à la morale?) finale : les deux compères ayant dû changer de sexe pour pouvoir s'insérer dans le monde du travail, retrouvent leurs sexes respectifs et donnent naissance à un marmot. Tout est bien rentré dans l'ordre, et finalement, rien n'a vraiment pété. Snif.