Le Roi Claude
Claude Nougaro
Pourquoi chantez-vous ?
C'est difficile. Je suis fait pour ça. D'abord pour travailler avec du papier et de l'encre. Comme ce travail est terriblement triste, qu'il demeure sec et sans fleurs, j'ai besoin de transformer cette écriture en chant. Parce que j'aime la matière. La matière des mots pour toucher à la matière des rêves, de l'imaginaire. Pour toucher à la prescience d'un espace neuf; je chante pour faire pousser en moi je ne sais quelle végétation qui me libère. Pour me fondre dans autre chose. Je ne peux employer que des mots très vagues. Ce que je veux faire passer c'est l'inconnu. Je cherche à créer des fantômes plus vivants que la vie. Je n'y arrive pas souvent.De toutes façons, le chant, le chant-songe, c'est un art collectif. Quand je chante, je suis entouré de musiciens, avec lesquels il y a une trame singulière. Et nous sommes là une dizaine, au milieu des jeux de sons et de lumières, pour pêcher je ne sais quel poisson inouï. Alors, si vous ne voyez pas le poisson sortir de l'eau, et bien c'est que c'est loupé. Mais parfois il y en a qui le voit...
Et qui, cependant, sont peut-être aussi gênés hors d'une salle, par inégalité entre le créateur et la récupération de cette création.
Un artiste c'est un autre. Je suis un type qui se court après et cherche à saisir en moi une réalité sur laquelle je ne débarque jamais, mais que je pressens. Et cette course que j'ai en moi, eh bien, je te la propose mon frère. Est-ce la tienne aussi ? Si c'est la tienne, nous allons courir ensemble.
Extraits d'une interview accordée au journal Libération, parue le 16 novembre 1973. Propos recueillis par A. Froissart et A. de Gaudemar. Photo : claude.nougaro.free.fr.
Un peu plus de cette excellente interview ici.
En illustration sonore, une chanson peu connue de Claude Nougaro : Quand Freddy est parti