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Racines
1 février 2011

Chronique livre : Zone

de Mathias Enard.

zone_300Difficile de ressortir de ce roman indemne. Voilà plus d’un mois que je traîne entre ses pages, mon esprit assommé de noirceur à chaque chapitre lu. Je crois qu’on peut le dire, Zone n’est pas un roman facile à lire, n'est pas un roman confortable.

Difficile en effet de rentrer dans cette écriture serrée, rythmée, sans respiration aucune : pas de point, pas de paragraphe pour ponctuer la lecture, juste des pavés de mots, compacts, chargés. On apprend à respirer sous l’eau ou on se noie.

Le temps d’un long voyage en train, c’est une plongée en apnée dans la tête du narrateur qui attend le lecteur, et ce qui se passe dans sa tête n’est pas des plus joyeux. Adolescent aux penchants politiques douteux, puis soldat dans l’armée croate, pour finir dans les services secrets français, Francis trimballe un bagage très lourd, qu’il nous livre sous toutes ses coutures. Et c’est à la fois passionnant, étouffant, effrayant.

Enard dresse une carte circonstanciée de l’Europe et du Moyen-Orient des massacres, génocides, traîtrises, meurtres, tortures, depuis l’antiquité grecque jusqu’à nos jours. Et il y en a, oh combien ! Ce défilé, à plat, de siècles de malheurs fait froid dans le dos et essore le coeur. On ressort de là complètement lessivé en se demandant jusqu’où les hommes repousseront les limites de l’horreur. Ce n’est pas tant les faits racontés en eux-mêmes qui bouleversent (on sait que ces choses ont existé), mais c’est leur juxtaposition, le rassemblement de siècles et de siècles d’abominations et l’exponentialité de leurs horreurs qui terrassent. Le narrateur, las de servir de réceptacle à tant de malheurs veut se débarrasser de ses secrets en les monnayant, et recommencer une nouvelle vie sous une nouvelle identité. Mais il n’est pas facile de se délivrer de ce qu’on trimballe toujours avec soi.

Entreprise pharaonique, rigoureuse dans sa forme, énergique, Zone m’a fait penser, dans un style bien sûr très différent, au magistral Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal. Il y a quelque chose là-dedans qui ressemble à un jaillissement, et qui pourtant pourrait être l’oeuvre-somme de toute une longue et riche vie. Il est assez incroyable que de tels ouvrages naissent sous la plume d’écrivains encore si jeunes. Beaucoup de respect et d’admiration pour ce livre, ardu, exigeant, rugueux. Une grosse claque.

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Commentaires
A
Nico P. : je te conseille aussi l'Alcool et la nostalgie qui est sorti récemment. Moins difficile sur la forme, mais d'autant plus bouleversant.
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N
J'en sors. Difficile à débuter mais c'est quand même quelque chose ! Un ovni je trouve. Je me suis un peu ennuyé sur la fin mais comme tu dis, respect !
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A
Gérard : voui, j'ai choisi du plus léger pour me remettre.
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G
massacres, génocides, traîtrises, meurtres, tortures, pas étonnant que tu sois chamboulée !
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