Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Racines
7 octobre 2010

Chronique film : Des hommes et des dieux

de Xavier Beauvois.

IMG_5583_450

Un homme.
Clique sur la photo. 

C’est curieux le fou rire. Ca peut vous prendre n’importe quand. En général, c’est plutôt sympa, on a du mal à s’arrêter, ça fait rigoler le monde autour. Et puis parfois, ça tombe au mauvais moment, dans un moment où le sérieux est de rigueur, où le recueillement est la seule alternative, où l’écoute se doit d’être irréprochable. Et on a encore plus de mal à s’arrêter.

Des hommes et des dieux est un film rigoureux et exigeant. Beauvois fait preuve d’un sens de la photographie (cadrage, lumière) extrêmement impressionnant. A peu près tous les plans sont sublimes. Sa caméra saisit, par des jeux de profondeurs de champ, les moindres variations de l’âme de ses personnages. Beauvois atteint notamment quelques sommets de grâce pure, notamment lorsqu’il filme l’Atlas (superbe scène ou Lambert Wilson s’assoit sur un rocher au bord d’un lac, et semble se fondre avec lui). Oui mais voilà. Après environ une heure de film à me dire “oh oui oui, c’est très beau, austère, rigoureux, mais très beau”, j’ai commencé à ressentir une sorte d’overdose de perfection picturale et morale.

Les défauts du film me sont alors apparus et n’ont fait que croître durant toute la fin de la projection. L’interprétation d’abord, dégoulinante à force d’être concernée, entre pincements de lèvres de souffrance retenue, et yeux levés au ciel vers vous savez qui. Seul Michael Lonsdale tient plutôt la route, apportant une petite touche de distance bienvenue à son personnage. En effet, à force de neutralité affichée (ici on ne juge pas, on observe), Beauvois signe un film entièrement au premier degré. Ici, on ne respire pas, on est concerné, ici la vie est difficile, on la respecte. Le réalisateur nous donne donc à contempler la vie (dure) de ces moines, entre travaux manuels, intellectuels, et messes. Le problème, c’est qu’à force de cantiques (en français pour mieux apprécier les sublimes paroles), et de dialogues dont la majorité tourne autour de métaphores sur la vie des fleurs et des oiseaux, on n’a qu’une envie, c’est de tout péter et de se teindre en mauve (pour rester soft, me sont venues en tête des idées immensément plus méchantes).

Deux scènes fortes constituent les points culminants de ce film concerné au sérieux papal (bon ça va hein). Durant la première, les moines chantent un merveilleux cantique dans leur église, et se tournent tous en groupe pour un regard face caméra lorsqu'ils entendent un hélicoptère tourner autour du monastère (grand moment de tension, et début du fou rire). La seconde est une scène de repas et elle démarre plutôt bien : Michael Lonsdale apporte deux bouteilles à table en allumant la radio sur le Lac des Cygnes. On se dit, enfin une respiration, un souffle d’humanité, de lâcher prise, de second degré (quand même Le Lac des Cygnes quoi !). Malheureusement, la scène ne s’arrête pas là, et se poursuit par un interminable ralenti sur les visages des moines, d’abord heureux et surpris de s’en jeter un petit, puis rattrapés par leurs émotions (ça se voit, il y a de la buée sur les lunettes), ils commencent à verser une petite larme en se touchant légèrement par l’épaule pour bien montrer qu’ils sont tous là l’un pour l’autre.

Et c’est là que le fou rire m’a vraiment frappé. Un fou rire nerveux, mais qui m’a valu un certain nombre de regards désapprobateurs (et concernés). Au final, malgré sa beauté plastique et cinématographique, Des hommes et des dieux me paraît passer à côté de son propos, dresser le portrait d’une communauté d’hommes de bien, en se concentrant trop sur leur pratique de la religion et pas assez sur leur humanité. Il ne fait de plus qu’effleurer le contexte historique qui a entouré l’assassinat de ces hommes, sans se lancer dans aucune polémique (ce qui n’aurait pas forcément été utile je vous l’accorde). Beau, mais trop sérieux, trop respectueux, trop premier de la classe, Des hommes et des dieux est une déception. Imméritée, je sais, mais déception tout de même.

Vers le sommaire

 

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Comments: Un homme<br /> <br /> <br /> <br /> juste ce feu qui fout un peu la pagaille .beau piqu?� sinon.<br /> <br /> La fille derri?�re...tu crois qu'elle sort des dieux et des hommes ?Ca m'a fait beaucoup rire (et encore l?� !)cette histoire d'avoir envie de se teindre en mauve ! je trouve ca tr?�s dro^le .je sais pas pourquoi mais ca me gondole !<br /> <br /> contini1 @ 2010-10-07 22:56:07<br /> <br /> une pose typique pour des vieux hommes, avec les main derrier le dos. J'aime cette perspective sous le pont en regardant le feux rouge et les piliers du pont.<br /> <br /> grapf @ 2010-10-08 06:54:08<br /> <br /> ....Je sens qu'il va passer au rouge le malheureux<br /> <br /> G?�rard M?�ry @ 2010-10-08 22:32:16<br /> <br /> L'attitude d?�cid?� ce vieux monsieur, bien mise en ?�vidence me plait beaucoup.<br /> <br /> JMS* @ 2010-10-09 04:58:25<br /> <br /> I���ve grown tired of holding this pose<br /> <br /> I feel more like a stranger each time I come home<br /> <br /> So I���m making a deal with the devils of fame<br /> <br /> Saying ���let me walk away, please��� (Bright Eyes)<br /> <br /> <br /> <br /> A terrific composition, balancing between red signs & movement, between shade & light. Muted colours how I love them. Thanks for sharing this beauty. All the best & safe travels, Fritsch.<br /> <br /> Fritsch @ 2010-10-11 18:45:18<br /> <br /> je ressemblerais ?� cet homme dans une trentaine, tout en jean :) tu me prendras le bras pour traverser hein?<br /> <br /> Phil @ 2010-10-12 22:23:38<br /> <br /> C'est int?�ressant de faire un break. Je trouve que ton style dans les noirs et blanc s'est affirm?�. et que tes compositions sont devenues tr?�s percutantes...<br /> <br /> Still @ 2010-12-12 20:58:35
Répondre
O
je rejoins ton point de vue, Anne, nos émotions ont été partagées, de ton coté tu as été fortement agacée , voire enervée, ce qui est compréhensible, moi de mon coté j'ai été étonné par les reactions du public. je ne vais pas souvent au cinéma en ce moment donc j'ai toujours un petit décalage par rapooort à mes émotions a celle du public, aux reactions des gens qui sont à mes cotés. aussi suis je un peu trop réactif en ce moment ( l'air du temps surement) en tout cas, le film est un bel hommage a la tolèrance. n'oublie tu es une femme, je suis un homme..peutêtre et surment n'avons nous pas le m^me vécu les m^me histoire.. m'est tu l'as dit, tu as une forte émotion (agacement) ça suffit quand on se rends a un spectacle...!je suis content le film a apporte du soulagement aux uns, aux autres de l' agacement...que dire de plus c'est bien!c'es ce qui compte>..;de l'émotion!!!! tout simplement
Répondre
A
Véronique : oui le film n'est pas sans qualité, mais comme tu dis, c'est trop joué, trop peu naturel, trop maîtrisé. Ceci dit, je ne suis pas sûre que les récompenses soient toujours un gage de qualité :)<br /> <br /> Didier : Voilà, tu as tout dit, ça manque d'émotions, ça manque de corps. <br /> <br /> Octoberisbac :Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris. Fort contente que tu aies apprécié ce film, tous les goûts sont dans la nature. Je ne prétends pas détenir la vérité absolue, et mon avis n'est et ne restera que mon avis. Pour moi le film est un beau cahier d'images vide d'émotions (et j'essaie de comprendre pourquoi j'ai ce ressenti là), pour toi c'est un film beau, profond et émouvant. Tant mieux ! J'aurais préféré y prendre du plaisir, plutôt que de m'ennuyer et d'en ressortir aussi énervée, tu peux me croire. Donc sois heureux d'avoir été ému, et j'espère que je le serai la prochaine fois que j'irai au cinéma :)
Répondre
O
... bosser sur nos émotions...sinon audela de la photographie...il ya la lumière...l'esthétisme est entre les deux.. nous et eux... ou .. vous et vous... ou toi ou toi.. eux vers eux.. (RIRES).<br /> ^<br /> Ayé J'ai fini!!
Répondre
O
sortez du contexte on va voir du vrai cinéma, de la belle photographie, de la belle lumière, ce qui compte c'est l'emotion partagé entre les acteurs, le réalisateur, son scenario, et les l'histoire de ces pauvres gens...<br /> l'esthétique est en fait propre au parcours de beauvois, il presente son film a Cannes donc par conséquent il bosse sur son film...que faissons nous autres photoblogeurs sinon, bosser sur ses emotions, sur nos photos... lui il fait tout, il partage..pas evident
Répondre
Racines
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 304 378
Publicité