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Racines

21 août 2021

Chronique livre : Ultramarins

de Mariette Navarro

Lire sur le blog bien rangé

 

« Il y a les vivants occupés à construire et les morts calmes au creux des tombes.
Et il y a les marins. »

Un cargo au milieu de l’océan transporte ses grosses boîtes ultra-mondialisées sur la trajectoire la plus parfaite, la plus courte, la plus balisée, la plus efficace, la plus sûre. Et puis s’arrête. Au milieu de cet océan, dans une zone d’huile et sous un ciel sans nuage, les marins en descendent pour prendre un bain de mer au-dessus des abysses. Cette brèche dans le cadre, dans la route, dans l’organisation du temps a été accordée par la commandante à la faveur d’un petit relâchement. Et sera le point de basculement de la trajectoire, la flexion du chemin.

« Depuis cette heure, constat est fait d’une autonomisation totale du navire, refusant malgré diverses sommations de respecter les indications de vitesse données par le personnel navigant. »

Ultramarins est le premier roman de Mariette Navarro. Premier roman certes mais sur un chemin en écriture déjà riche de merveilles. On retrouve dans Ultramarins la sublime écriture poétique et les thèmes chers à l’autrice : ces trajectoires empêchées ou ralenties, ces basculements et points d’inflexions qui permettent le passage, le changement d’état, les forces de frottement. L’océan est un parfait décor, sa surface, interface entre le liquide et le gazeux, espace tampon, zone de transition, limbes ou Styx, sans frontière ni limite pour guider les âmes perdues, et le cargo, énorme masse à l’inertie colossale qu’on contraint à s’arrêter quitte à brouiller le cours du temps.

 

P8161594 (3)

 

« Comment on en sort ? » s’interroge les marins. Et Mariette Navarro de répondre :

 

« En ralentissant la cadence. En ne rendant compte de rien. En ne remplissant pas les objectifs. »

 

La méthode semble efficace. Roman atmosphérique, qui flirte avec le fantastique – on pense parfois aux fantômes de Kiyoshi Kurosama et aux brouillards de Carpenter – Ultramarins est une superbe réussite et devrait permettre de faire connaître et découvrir l’écriture et les textes intimes et bouleversants de Mariette Navarro.

 

Ed. Quidam éditeur

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14 avril 2021

Chronique livre : Un long voyage

de Claire Duvivier

Chronique initialement publiée dans la glorieuse revue Dissonances

Gémétous, ma hiératique, c’est pour toi que j’allume cette lanterne, que je sors ces feuilles, que je trempe cette plume dans l’encre.

9782373050806-280x409Dès la première phrase du roman, Claire Duvivier intrigue : qui donc peut bien être cette créature immuable à qui le narrateur dédie son récit et sa tendresse ? Il faudra tout un roman pour le comprendre. Rien ne sert de courir, semblent nous dire l’auteur et son héros, Liesse, fils répudié d’un village insulaire perdu au sein d’un archipel sous la coupe d’un Empire décadent. Pas de trolls, pas de dragons ici, mais un monde réaliste, avec ses lois, ses cultures, ses langues, ses petites et grandes histoires. Ce récit élégant, sans esbroufe, sans didactisme, pose son décor, ses personnages, son atmosphère en prenant son temps. Et le temps c’est justement le cœur du voyage : que signifie-t-il quand il n’existe plus, quand deux temporalités se rejoignent, se superposent, se confrontent ? Que se passe-t-il quand le passé s’impose dans le présent, quand les légendes envahissent aujourd’hui en ignorant le passage des saisons ? Les questions posées par Claire Duvivier en filigrane de son récit sont bien évidemment très actuelles et politiques : colonisation, place de l’Histoire dans la construction d’un avenir que l’on espère commun… Combien de sang versé au cours de ce long voyage ici et là-bas. Mais tout cela est réalisé avec beaucoup de grâce, d’intelligence et de subtilité. Et puis sans doute, ce qui compte parfois, c’est aussi de savoir que toutes les bonnes choses ont une fin :

C’est celui-là, le moment précis où j’ai su que je devais écrire ce récit, que je termine ici.

Ed. Aux forges de Vulcain

31 août 2020

Chronique livre : Saint-Germain-en-Laye

d’Anne Savelli

Chronique initialement publiée dans l'inestimable revue Dissonances

C’est un livre en provenance des interstices du passé et des pavés de Saint-Germain-en-Laye, une divagation spatiale et temporelle dans la ville bourgeoise perchée sur son belvédère et l’extrémité du RER A. Loin, très loin de la banlieue Est, Saint-Germain exhibe dès la sortie de sa gare tout son
argent, ses ors et la grande histoire.

Le parquet est ciré et les rues toujours propres.

Comment se mouvoir dans ses rues à l’héritage royal lorsqu’on est une enfant, sans trop de père et sans trop d’argent ? Anne Savelli revient dans la ville plus de dix ans après l’avoir quittée. Les souvenirs se mêlent à la (re)découverte des lieux. Réminiscences poétiques, résurgences olfactives, dans un jeu d’attirance et de répulsion envers la ville close, l’auteur dresse en creux le portrait de la ville et de son enfance ni tout à fait dedans, ni tout à fait dehors.

Des cris articulés ou inarticulés dans un corps détourné, retourné, vrillé net. Elle fut empêchée, rattrapée. Ne resta que son cri.

Derrière les apparences lustrées de la cité sourd la violence. Violence physique du voisin qui bat sa femme. Violence du manque d’argent dans une ville qui l’exhibe et exclut ceux qui n’en ont pas.

Marcher ici, c’est ne pas savoir qu’il existe des HLM poussées sans magasins, des tassements, des empilements […]. C’est ne pas vivre, non plus, une entraide possible.

Mais une institutrice amoureuse de poésie et une bibliothécaire imaginative : il y eut pourtant de belles rencontres, de celles décisives qui donnent une direction à la vie. De quoi déverrouiller une porte et envisager la possibilité de l’évasion.

Ed. l’Attente

31 août 2020

Chronique livre : Azimut brutal

de Christophe Dabitch

Chronique publiée initialement dans le numéro 35 de l’indispensable Revue Dissonances.

Pourrais-je vivre ici ?

Christophe Dabitch parcourt le tracé du 45e parallèle nord dans le département de la Dordogne. En ligne droite fictive, zigzag réel, azimut brutal adouci. Que cherche-t-il dans cette marche sur cette zone d’équilibre, à mi-chemin entre le pôle Nord et l’Équateur ?

Nous devenons des chiens ou des chats, nous cherchons une place.

La marche le mène à s’interroger sur le voyage, sur lui-même, sa place dans le monde, son rapport à la nature.

Le chêne m’ignore et je n’y peux rien.

Il faut se laisser porter sur le flot de ses pensées, au gré du franchissement interdit des clôtures, de pique-niques illicites dans des résidences secondaires désertes et manucurées.

En voyageant ici, ces noms qui marquent les étapes nous disent sans cesse un coin de terre dont nous sommes faits.

Dans une langue poétique et profonde, drôle parfois, Christophe Dabitch dresse aussi en creux le portrait d’un pays en transition (déprise rurale, réensauvagement, fragmentation des espaces), vestiges de gens du cru, néo-faux-ruraux, néo-vrais-ruraux, retraités du Nord, formant le petit peuple du 45e parallèle nord. Mais l’ancrage de ce pays dans sa/son pré/histoire se lit (sans forcément se comprendre) partout, dans chaque nom de lieu-dit traversé, de Tartifume au Grand But, en passant par le Petit But et la Cloppe.

Et vient une allégresse de la marche qui ressemble à l’emballement amoureux.

Le texte bouleverse aussi (surtout) dans ses intervalles, ses espaces, ses moments de pause, de doute, de fragilité. Il bute, avance, hésite, redémarre. Et nous avec lui.

Essayer d’être immobile. […] Être immobile. […] Se lever, remonter la rivière.

Ed. Signes et Balises

31 août 2020

Chronique livre : Zébulon ou le chat

de Maëlle Levacher

Chronique publiée initialement dans le numéro 36 de l’indispensable Revue Dissonances.

Consolation n’est que le nom qu’on donne à une saison sèche.

Comment faire son deuil d’un être aimé ? Patiemment Maëlle Levacher a attendu son heure pour évoquer la vie et l’œuvre de feu Zébulon. Par petites touches, pensées, maximes et aphorismes, elle ressuscite leur histoire, ou plutôt l’histoire telle qu’elle l’a vécue. Car Zébulon était un chat, son chat, insaisissable, familier et mystérieux.

Elle veut, au service de sa Bête, s’élever au rang d’historiographe.

 

L’écriture, imprégnée de classicisme, constitue un écrin parfait à l’évocation de la bestiole. Hommage aux grands moralistes autant qu’à Zébulon, le texte est empreint d’une ironie mordante et interroge, par l’auscultation des rapports entre l’animal et son maître (et vice-versa), l’ambiguïté des liens d’amour. Car le ronronneur est aussi avicide, mais cela n’entame pas la solidité de l’attachement. Amour aveugle ou amour lucide ? Miroir de notre ego, le chat, mais miroir imparfait et insaisissable qui oblige à la mise en sommeil des excès d’amour-propre pour construire une relation pleine et entière. Zébulon est donc prétexte pour parler du rapport à l’autre, du regard, de la construction du lien, mais pas seulement. Car loin du simple exercice d’imitation et d’admiration, le livre déborde d’amour et touche infiniment, par cette attention aux détails, au partage de ces petits moments d’échanges privilégiés entre deux créatures débarrassées d’elles-mêmes :

J’ai dû dire […] que Zébulon était un sujet bas, de peu de dignité. Cette vérité dans l’ordre littéraire est, […] dans l’ordre des sentiments, démentie partout en cet ouvrage, que résumerait un mot d’amour.

Ed. La Part Commune

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31 août 2020

Chronique livre : Stratégie pour deux jambons

de Raymond Cousse.

Chronique publiée initialement dans le numéro 35 de l’indispensable Revue Dissonances.

Je suis seul maintenant et tout laisse à penser qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin.

Notre cochon érudit et philosophe est pourtant en paix avec son sort. Malgré quelques anicroches avec son porcher, son 4m² répond à tous ses besoins. Il sait comment sa vie va se terminer et s’en accommode parfaitement. Il en tire même une grande fierté : ses jambons seront sans doute la pièce maîtresse de quelque grand festin, allez savoir ? D’ailleurs il n’échangerait son sort de cochon ordinaire pour rien au monde. Regardez le verrat : malgré ses prouesses volumiques en production de semence (bien supérieures à celles du porcher, soit dit en passant), « jeté prématurément dans les poubelles de l’Histoire, il sombrera dans l’oubli éternel. Voilà ce qui arrive, quand on n’est pas sage ». Cependant, le cochon ne peut s’empêcher de s’interroger. Il y a du bruit, qu’est-ce donc ? Y aurait-il d’autres cochons au-dessus de sa tête ? Comment sont-ils arrivés là ? Sont-ils eux aussi des cochons ordinaires ? Notre cochon réfléchit.

Comment nier, en effet, que c’est en partie sur mon dos que s’échafaude la pyramide ? […] Nul doute que les jambons présidentiels soient sélectionnés en bas âge et le cochon qui en a la garde traité avec d’autres égards.

Notre cochon, c’est l’Innommable de Beckett mais avec deux beaux jambonneaux de plus. Fable métaphysique et politique à l’humour ravageur et au style délicieusement précieux, Stratégie pour deux jambons est un chef d’œuvre. La preuve : 40 ans et pas une ride (

Si l’on ne veut pas la révolution, il faut commencer par ne pas la rendre inévitable

).

Ed. Zones sensibles

14 avril 2019

Chronique livre : Eltonsbrody

d’Edgar Mittelholzer

 

Voilà une maison d’édition qui démarre plutôt bien dans la vie avec ce texte étonnant d’un auteur caribéen prolifique, dont je n’avais pourtant jamais entendu parler auparavant. Publié pour la première fois en 1960, écrit en anglais par un natif du Guyana (cultive-toi un peu lecteur), Eltonsbrody démarre par un peekaboo dans un style gentiment désuet et qui m’a semblé fort bien traduit. L’histoire se déroule sur l’île de la Barbabe. Un jeune peintre fait du tourisme et se retrouve en pension dans une bicoque au vent, chez une excessivement accueillante mémé et sa cohorte de domestiques. Les racines anglaises sont bien présentes, l’ombre de Daphné du Maurier plane sur ces pages, et la maison d’Eltonsbrody construite à l’époque victorienne n’y est sans doute pas pour rien. Mais, quelque chose de plus dur, moins policé, est à l’œuvre dans ce texte. Sans doute est-ce ce héros pas très discret et d’une franchise tout à fait désarmante qui insuffle au texte sa force et son énergie. Il rentre carrément dans le lard de cette mamie qui alterne la plus exquise hospitalité et le plus bizarre des comportements. Il se passe quelque chose dans cette maison des courants d’air, quelque chose de morbide et de souterrain est à l’œuvre. Et notre peintre-détective aimerait bien savoir de quoi il s’agit. Pourtant, à maintes reprises, à force de « vous allez voir ce que vous allez voir », on frôle l’ennui. Mais le récit réussit à chaque fois à se rattraper aux branches de casuarina par je ne sais quel tour de passe-passe. Résumer le propos du livre à un éloge de la différence et de la tolérance de l’altérité me paraît un peu réducteur, les situations, les personnages et leurs actes recèlent en effet une belle ambiguïté générale. À lire pour le voyage, la singularité de cette voix aux influences plurielles, et ce, ma foi, bien joli objet-livre.

Ed. Les éditions du typhon
Trad. Benjamin Kuntzer

 

 

23 décembre 2018

Chronique livre : Sur les chemins noirs

de Sylvain Tesson

Nous cherchions les chemins noirs.

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Conseillé avec ardeur, titillant mon amour éternel pour les cartes et les errances, ce livre avait tout pour me plaire. Sylvain Tesson a le corps en miettes après une chute. Il décide de traverser la France, telle que nommée par l’INRA “hyper-rurale”, par ses chemins oubliés, les “chemins noirs” des cartes IGN au 1/25000ème, chers aux randonneurs. Il part du Mercantour pour rejoindre le Cotentin, de temps en temps accompagné par des amis ou de la famille de passage ou croisant quelques locaux qui sentent bon le terroir avec leurs petits fromages et leur c’était mieux avant.

(…) c'était grande excitation de sillonner l'agencement délicat des terroirs français pour lui qui avait l'habitude des paysages où l'immensité écrasait tout espoir de variation.

L’idée est incroyablement sympathique, on aime d’emblée quelqu’un qui porte cette attention aux détails oubliés, aux failles isolées, aux détours dictés par le vide. Et par conséquent on aimerait aimer autant son livre. Malheureusement, ça ne fonctionne pas toujours. Il faut le dire, Sur les chemins noirs est bâclé. Comment raconter des mois de marche, de nuits à la belle étoile en seulement 140 pages ? La moitié du roman se passe en Provence, le reste de la France n’aura que quelques miettes. Quelques descriptions légères, l’évocation d’un énième viandox dans un énième café sur une place de village sous un énième tilleul, d’une énième conversation, tout semble survolé, parcellaire, lacunaire et finalement immatériel. L’impression est renforcée par cet omniprésent passé simple. Il engloutit tout sous un vernis usé et ampoulé. On renifle même quelques utilisations abusives et bancales. Le texte ressemble à un patchwork d’écrits de voyage, assemblés au moyen du passé simple comme colle de luxe de ces fragments épars.

C'est l'avantage des petits pays aménagés comme des jardins japonais.

Et puis, aucun doute, Tesson est un écrivain français. La moindre de ses pensées est ultra-référencée. Il y a un auteur sous chaque caillou. Chaque terroir a ses héros. On reconnaît même dans ses descriptions naturalistes quelques vidéos qui ont fait le buzz sur internet. Tesson, l’explorateur des forêts de Sibérie ne peut donc renier ses origines. Comme le jardin japonais dont toutes les formes sont maîtrisées, Tesson cherche dans les replis les plus obscures du petit pays aménagé qu’est la France, la familiarité et le réconfort dans l’invocation de ses maîtres. Je ne suis pas très sensible à ce type de dispositif.

Bien trop bancal, Sur les chemins noirs a bien du mal à maintenir son potentiel de sympathie intact jusqu’au bout. On est passé à côté du grand livre. D’assez loin.

Ed. Gallimard

3 juin 2018

Chronique livre : L'intelligence des plantes

de Stefano Mancuso et Alessandra Viola.

En somme, plutôt que de chercher les limites inexistantes d'un domaine où l'intelligence apparaîtrait comme par magie, il semble bien plus justifié, du point de vue de l'évolution, de la concevoir comme une faculté inhérente à la vie.

Voilà un livre qui a fait le buzz à sa sortie en Italie, puis dans le reste du monde, il y a déjà 5 ans. Il a mis tout ce temps à traverser la frontière et on se demande bien pourquoi. Son objectif ? Réenchanter le regard que l'on peut porter sur le monde végétal, réhabiliter les plantes dans tout ce qu'elles ont de vivant et de vital à la survie du monde animal. Soyons clairs, les plantes étaient là avant nous, elles seront là après nous (si on ne fait pas exploser la planète d'ici-là). Sans les plantes, pas d'animaux et donc pas d'espèce humaine. On leur doit le respect et après avoir lu ce livre, on se demande même s'il n'est pas plus cruel de manger de la salade qu'un bon steak (vous allez me dire que le steak aura boulotté plein d'herbe et que c'est sans doute se mettre la tête dans le sable et ne pas assumer sa violence alimentaire envers les végétaux).

Pour ceux qui n'ont jamais approché une plante, le livre est suffisamment vulgarisé pour être largement accessible. Pour ceux qui ont fait un peu de botanique (ce qui est mon cas, il y a fort fort longtemps), le livre constitue une bonne remise à jour des connaissances sur le fonctionnement des végétaux, mais sous un angle dès le départ original de la comparaison des stratégies de survie entre monde animal et végétal. D'un côté la sédentarité (la dépendance géographique) et l'autotrophie (l'indépendance alimentaire), de l'autre côté le nomadisme (l'indépendance géographique) et l'hétérotrophie (la dépendance alimentaire).

Pourquoi les plantes sont-elles encore autant méprisées et sous-considérées ? Peuvent-elles voir, sentir, toucher ? Communiquent-t'elles ? Sont-elles capables de s'adapter à leur environnement ? Bref, les plantes sont-elles intelligentes ? Autant de questions et de réponses qui prouvent de manière éclatante qu'on est bien peu de chose et que mon amie la rose m'a p'tet bien dit quelque chose ce matin, mais que je n'ai rien capté. Car ce n'est pas parce qu'on n'a du mal à dépasser sa propre appréhension du monde, à appréhender quelque chose en son entier, que cette chose n'existe pas.

Ce qui est problématique, c'est, à mon sens, de qualifier (en quatrième de couverture) ce livre de "véritable manifeste écologique". Car au travers de quelques petits exemples (permettre à toutes les plantes cultivées de capter l'azote atmosphérique, faire pousser des salades sur des barges flottantes équipées de panneaux solaires...), Stefano Mancuso montre son intérêt pour des "solutions miracles" qui, justement, font fi des écosystèmes et donc de l'écologie (p.m. la science "de l'habitat", c'est à dire, la science qui étudie les êtres vivants dans leur milieux et les interactions entre eux (wikipédia)).

Malgré tout, la réflexion est passionnante et intelligente. A coup sûr le regard du lecteur en sera changé durablement sur le monde végétal.

Ed. Albin Michel
Trad. Renaud Temperini

PS : Bon, mais c'est bien gentil tout ça, mais mon ficus a toujours les feuilles qui jaunissent.

27 mai 2018

Chronique livre : En route vers Okhotsk

d'Eleonore Frey.

Pour une mise en page plus claire c'est .

Le temps file. Pour lui, il est immobile.

Sophie est libraire et médite sur En route vers Okhotsk, un best-seller qui se passe là-bas, au fin fond de la Sibérie, dans un monde enfermé dans son brouillard. De temps en temps, elle va boire un verre dans un bar et se fait courtiser par Otto et Robert. Otto est médecin et veut embarquer pour Okhotsk. Robert en revient, mais sans doute pas vraiment, et ne se retrouve nulle part et surtout pas en Thérèse, sa voisine pas très bien, qui déboule aussi souvent qu'elle va mal dans le cabinet d'Otto. Il y a aussi deux enfants et des rats.

Dans une ronde fluide, Eleonore Frey dresse le portrait de cette petite société qui ne sait pas vraiment où elle veut aller. Le voyage pour destination ? On décide sur un coup de tête d'aller à Okhotsk, on se documente, ou on en parle en sachant très bien qu'on n'ira jamais. Surgit dès les premières lignes, l'ombre du magnifique Eloge des voyages insensés. Mais là où Vassili Golovanov allait à la rencontre de son île pour finalement débuter son voyage intérieur, les personnages d'Eleonore Frey errent dans leur espace intérieur sans avoir à quitter leur ville. Parfois le froid intérieur les saisit, comme les personnages de La persistance du froid, mais jamais rien n'arrête pourtant leur petite mécanique intérieure, qui tourne, s'enraye et repart.

La narration navigue d'un personnage à l'autre, un peu sur le principe de la comptine pour enfants Trois p'tits chats. Une idée fait basculer d'un paragraphe à l'autre. Une valse des hésitations dans laquelle les enfants de Sophie font preuve de bien plus d'allant. Le froid ne les a pas encore rattrapés. Ils veulent voir l'Alaska, les lacs, aller couper en forêt un sapin de Noël et réalisent leurs rêves. Une errance belle, douce, mélancolique aussi et un hommage à tous ces lieux fantasmés qui nous construisent.

Éd. Quidam éditeur
Trad.(très très bien) Camille Luscher

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