Chronique livre : Mes prix littéraires
de Thomas Bernhard.
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Joyeuse petite entracte entre les deux tomes de Guerre et Paix. Enfin si tant est qu'un texte de Bernhard puisse être joyeux. Disons qu'il est méchamment distrayant, méchamment dans le sens premier du terme. Ecrit probablement 8 ou 9 ans avant sa mort en 1989, Mes Prix littéraires racontent en quelques épisodes des anecdotes relatives à certaines des récompenses reçues par Bernhard, regroupées essentiellement dans son début de carrière.
Volontairement provocateur, agaçant, parfois de mauvaise foi, parfois d'une lucidité percutante, l'écrivain s'ingénie à surtout ne trouver aucun mérite à ces prix, à l'exception de l'argent qu'il en tire, et dont il a le plus grand besoin. Se moquant quasiment de tout et de tous, y compris de lui même, Bernhard déploie toute l'étendue de sa provocation et de son désespoir face à la vie. Car dans les discours qu'il prononce lors de la remise des prix, discours écrits à la va vite si on peut croire ce qu'il nous dit, on distingue, au delà de la provocation forcenée ("Nous sommes autrichiens, nous sommes apathiques; nous sommes la vie en tant que désintérêt généralisé pour la vie, nous sommes, dans le processus de la nature, la mégalomanie pour toute perspective d'avenir." dit-il lors de la remise du prix d'Etat autrichien...), une blessure colossale, la blessure d'un homme qui a vu et v écu trop de choses pour pouvoir rester neutre face à l'absurdité, l'hypocrisie et à la cruauté du monde, et qui est incapable de faire semblant. Le livre prend une tournure assez personnelle et émouvante, contrastant avec les propos et l'attitude de Bernhard. Le livre fait également une belle introduction au style de Bernhard, obsessionnel, circulaire, incisif, sans pour autant être aussi sombre et exigeant que dans Béton par exemple.
Sans doute pas les plus grands textes de Bernhard, mais une sortie posthume pas putassière et pas inutile, une belle brique de plus dans l'oeuvre d'un des plus grands auteurs de littérature germanique.