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Racines
3 novembre 2007

Chronique livre : Un roi sans divertissement

de Jean Giono.

Bon, que je vous raconte un peu ma vie hein, ça n'arrive pas souvent, alors... Giono est lié à un souvenir très particulier. J'ai passé 3 ans en classes prépas. Trois ans pendant lesquels j'ai vécu en ermite, entre bouquins scientifiques, cours, colles, et concours. Mes seules respirations étaient les cours de français. Trois ans, trois bouquins au programme par an... neuf livres en tout. Pour une grosse lectrice comme moi, ce n'était pas grand chose, mais c'était tout ce que je pouvais me permettre, mes périodes de vacances n'étant pas non plus très fournies en lecture, abrutie que j'étais par tant de savoir, enfoncé à coups de pilon dans mon pauvre crâne.

Parmi ces 9 livres, deux gros coups de coeur. W ou le souvenir d'enfance de Perec, je l'avais lu sans le lire, finalement sans rien comprendre. Le prof nous l'avait disséqué avec délices. Ça changeait de la dissection des souris et des grenouilles. L'assemblée abrutie des élèves en profitait en général pour piquer un petit roupillon. Faire lire du Perec à des scientifiques, que voulez-vous, c'est presque de la provocation. Mon deuxième coup de coeur, Les Grands Chemins de Giono. Alors que la majorité des quelques étudiants s'intéressant un peu à la lecture (je n'ose même pas dire littérature) s'extasiaient sur Noces de Camus, moi j'étais tombée d'amour pour les Grands Chemins. Pas que Noces ne m'est pas plu, non, mais les Grands Chemins m'avaient ouvert des horizons qui à cette époque là de ma vie n'étaient même pas de l'ordre du concevable. Prise dans ce carcan, ce ghetto doré de la classe prépa, je ne savais rien de la liberté. J'étais gorgée de classiques du XIXème, et voilà que Giono se pointe, avec toute cette liberté qui éclaboussait partout. Liberté de ton, de styles, de ces personnages pour qui demain ne signifiait rien, alors que depuis toute petite on m'apprenait qu'il fallait passer ses aujourd'huis à préparer ses demains.

Dans la foulée, j'avais essayé de lire Un roi sans divertissement. Mais, style plus difficile, cerveau occupé, impossible de dépasser la vingtième page. J'ai attendu, le volume à distance respectueuse, que mon cerveau se débloque. Et puis, avant-hier, après avoir fini Beckett, je prends mon courage, ma petite après avoir lu Beckett, tu peux lire Giono. Et oui. Un roi sans divertissement est passé comme une petite douceur, après les affres Beckettiennes. Sombre pourtant est ce roman, lumineux aussi, fin connaisseur de l'humain. C'est beau et triste à la fois, cet homme fait pour les grandes choses, et qui ne peut survivre aux petites. Brassage méticuleux du minuscule et de l'ample, vision du monde comme d'un grand tout, entrelacement perpétuel de la nature et de l'homme, Un roi sans divertissement est un livre magnifique, d'une infinie mélancolie. Un livre qui donne envie d'aller se perdre dans une forêt de châtaigners, une belle journée d'automne.

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Commentaires
C
Ouais, faut pas saucissonner les textes : c'est une terrible chose.
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R
J'ai une tendresse immense pour Giono, que je découvre pas à pas. "Que ma joie demeure" est un chef-d'oeuvre immarcescible. Et rappelons-nous que sa chère Provence sera bientôt défigurée par le projet ITER...
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N
Bon ben moi je rentre dans la catégorie de ceux qui ont plus aimé le Pérec que le Giono. Et je citais la ligne droite temporelle de A à B de Bergson ce week-end encore (la culture, c'est comme la confiture et caetera et caetera...). Aucun regret à dire que j'ai détesté Flaubert l'année qui suivait. ;-)
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A
A tous, merci, rarement une chronique bousquin aura attiré tant de commentaires. J'ai des lecteurs au top :-)
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L
"Un des baumugnes" à cause du film de Pagnol (?) et "colline" pour le feu,... et peut être aussi "jean le bleu" mais il faut que je vérifie...
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Racines
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